Quoi qu'il en soit, nous sommes tous égaux en ce qui concerne notre passé.
Les déchirures et les drames, nous les avons vécu plus ou moins jeunes, je pense quand même, que le déchirement total , a été pour nos parents, nous, avons fait notre vie en France, et la jeunesse aide bien à l'acclimatation!!
Heureusement en 62 sur Lyon, entreprises et usines tournaient à plein régime, le peuple pieds noirs s'est remonté les manches dès son arrivée, il fallait faire vivre les familles.
Personnellement, j'ai basculé du lycée au boulot.
Adieu les rêves d'infirmière puéricultrice quelques jours aprés notre arrivée en France, j'ai été embauchée comme secretaire, téléphoniste et un peu de comptabilité dans une grande coopérative pharmaceutique qui fournissait en médicaments et produits de soin Lyon et sa banlieue.
Heureusement,à Oran, ma mère toujours prévoyante m'avait inscrite le jeudi à des cours de sténo dactylo, au cas où, avait-elle dit, ça peut servir. Ma chère maman, toujours tracassée pour l'avenir de ses filles.
Avant de prendre les commandes des pharmaciens qui se faisaient pas téléphone, il fallait connaître PAR COEUR!!l'orthographe de tous les remèdes et produits de soins.
Ils étaient rangés par ordre alphabétique dans des casiers, sur une hauteur de plus de 2 mètres, pour ceux du haut, on déplaçait une échelle qui coulissait sur un rail. J'avais la chance d'avoir une bonne mémoire et une logique de l'orthographe, ça m'a bien aidé, j'ai pû rapidement intégré un bureau et prendre les commandes des différentes officines, casque sur les oreilles et tapant le plus vite possible sur une belle machine à écrire noire de la marque Rémington.
J'en ai gardé un excellent souvenir, l'accueil avait été chaleureux de la part de mes collègues, j'étais la plus jeune, ça a peut-être joué en ma faveur.
Lors de mon embauche, ma mère a vite compris que le directeur, il s'appelait Mr Charreyron, était "pour nous".
C'est ce qui je pense explique le fait qu'il m'ait embauchée sans rencontrer les 4 autres filles qui postulaient avec moi.
Je suis restée dans cette boite 5 ans jusqu'à mon mariage, j'ai arrêté à 21 ans pour m'occuper de mon 1er enfant .
Il y a quelques mois, je me suis rendue à Lyon à une soirée au profit d'une association, cette pièce se jouait dans l' ancien palais de la mutualité, ce bâtiment faisant face à la coopérative de ma jeunesse.
La facade avait bien changée, elle avait fait place à un bâtiment tout en verre, seule la grande porte d'entrée avait été conservée, les architectes avaient sû marier style année 30 et modernisme.
J'ai eu un petit pincement au coeur, les larmes me sont montées aux yeux, ça n'était pas seulement le lieu, mais quand j'y travaillais, nous étions tous encore ensembles avec nos parents, nos beaux parents, la vie s'est chargée de faire "le ménage".
Jeanie.
|