Après que les Arzewiens soient majoritairement partis, mon père qui vendait précisément sa petite récolte de légumes et de fleurs dans les rues d’Arzew s’est retrouvé sans le moindre revenu.
Peu après l’indépendance il fallait songer à partir.
Mes parents étant désargentés c’est encore grâce au commandant de la base qu’ils ont pu partir avec mon frère François qui c’est retrouvé lui aussi sans travail, ni revenus car Manu FRUTUOSO est parti avant l’indépendance.
Donc ils ont pu embarquer sur un méthanier. Le capitaine Du bateau a cédé sa cabine à mes grand- parents vu leur grand âge.
Arrivés à Port-Vendres mes grands parents sont restés dans la région chez une sœur de ma mère mais hélas ils n’ont pas survécus longtemps à l’exode. Mes parents et mon frère eux sont partis pour SALIES DE BEARN (P.A dans le 64) ou ils ont habité une ferme en montagne, sans eau ni commodités avec WC cabane au fond du jardin comme « Cabrel »et pour l’eau débrouille toi comme tu peux avec des jerricans.
La France aussi avait ses pauvres.
Misère pour misère, elle était moins pénible chez nous en Algérie ; surtout le climat, mes parents ont souffert du froid.
Les conditions de vie plus difficile. La pluie le froid leur rendait la vie plus pénible.
Je sais très bien qu’ils n’étaient pas les seuls, loin de moi cette idée. Pour beaucoup des nôtres aussi cela a été dur.
Pendant ce temps-là, moi j’étais toujours au Sahara.
Lors de congés en septembre 63, je suis descendu à Arzew, je logeais aux Sablettes chez madame Gimenez qui faisait hôtel- restaurant. J’ai retrouvé là-bas mes amis - René Gimenez - Gilbert Morand - Robert Martinez - Jean Marie Juan et Marie claire Sivéra (la cousine de Geneviève) pour qui j’avais le béguin, elle non, tant pis. J’avais beau lui faire des cadeaux, je ne l’attirais pas du tout.
Ces Arzewiennes étaient belles mais elles préféraient Alain Delon ! Les beaux garçons quoi !
Lorsque j’ai quitté Arzew, elle m’a accompagné jusqu’au car, moi j’avais l’impression que tout s’écroulait autour de moi.
Je l’ai revu bien des années plus tard, mariée à un Sylvain PARRA d’Oran avec deux enfants.
Eux les Sivéra lorsqu’ils ont quitté Arzew sont partis pour Mulhouse.
Ce qui fait que nous nous sommes carrément perdus de vue jusqu’à ce que je trouve un avis de décès de Mr.Sivéra-Jules sur l’écho de l’Oranie avec l’adresse et c’est ainsi que j’ai retrouvé les Sivéra.
Revenons à mon arrivée en France ; j’ai rejoins mes parents et mon frère dans la ferme à la montagne. J’ai trouvé du travail dans une usine de chaussures mais avec des salaires à faire pleurer . Comparé à ce que je gagnais au Sahara, c’était ridicule ! La mère patrie avait du retard à l’allumage.
Puis le 4 avril 1964, le dimanche matin, avec des copains de mon frère on s’est pris un platane qui m’a pas mal abimé physiquement.
Sept mois après je reprenais le travail car l’argent manquait cruellement. J’ai donc du reprendre avec une jambe raide. Puis petit à petit, grâce aux eaux thermales et au kiné ma jambe s’est débloquée à moitié. Puis j’ai réussi à avoir une bonne place à l’usine.
Les choses se sont arrangées, j’ai touché une somme qui, à l’époque m’avait permis d’acheter un immeuble en ville et de ce fait quitter la ferme et sa galère.
Et enfin (après des travaux) une bien meilleure vie pour mes parents qui vivaient enfin chez nous ainsi que mon frère.
Puis comme tout le monde j’ai connu celle qui est devenue mon épouse et qui ne m’a jamais déçu même après tant d’années.
Puis alors que tout allait bien pour nous et nos deux enfants vint l’année 1974 ou une délocalisation m’a privé d’emploi, eux appelaient ça restructuration ou délocalisation.
Moi j’appelle ça prendre la porte.
La seule industrie étant la chaussure dans la région où j’habitais, j’ai vendu ma maison et nous sommes partis pour la région Bordelaise, avec nos deux enfants et le troisième que ma chère épouse portait.
Il fallait retrouver du travail.
Finalement après sept mois de chômage, j’ai trouvé une place dans les bus de la communauté urbaine de Bordeaux. Puis petit à petit les choses se sont arrangées avec bien sûr, comme tout le monde, des hauts et des bas.
Maintenant je suis retraité, comme beaucoup d’entre nous.
Je n’écris pas pour dire : moi j’ai eu des problèmes et ceci et cela, non pas du tout, mais pour ceux que je connais et même ceux que j’ai côtoyé à Arzew.
Je voulais simplement témoigner de ce que j’ai vécu et certainement que d’autres, par pudeur, préfèrent ne pas se raconter et c’est leur droit.
Je sais que pire que ce qu’on vécu mes parents, sans jamais se plaindre: alors qu’ils avaient une épicerie florissante à St. LEU à laquelle quelqu’un avait mis le feu.
Jalousie ?sûrement, j’en suis sûr.
(Je dis ça d’après les récits que j’en ai eu de la part d’un cousin et qui m’a raconté beaucoup de chose car je n’étais pas né à l’époque de ces évènements).
Depuis ça a été la galère.
En venant de St. LEU ils ont trouvé un appartement à la fabrique d’alfa, chez les ORTEG, sans eau, ni électricité.
Mon père, depuis l’incendie, a fait l’ouvrier agricole ; tailleur de vigne et ça n’a pas été tous les jours très rose pour eux.
Après la maternelle, à l’école normale, j’avais un sac en tissu avec une assiette en plastique, une cuillère et une fourchette, donc je mangeais à la cantine, sous le préau.
Un jour haricots, l’autre jour pois chiches et ainsi de suite, mais c’était mieux que rien.
Combien de familles étaient indigentes comme nous ?
Je n’étais pas tout seul à la cantine, sans oublier la « livreta » chez l’épicier !
Et malgré cela je n’ai jamais pensé un instant que j’étais malheureux, comme d’autres, du moment qu’on était chez nous et que le soleil brillait !
Surtout ne pas croire que tout le monde était aisé, non, la vie était dure pour beaucoup de nos parents.
Vers les années 1957, mon père loua un grand jardin, d’abord chez SEMPERE 4ième rue des Jardins où nous avons habité.
La pièce principale, bâtie en parpaings n’avait pas de porte, ni de fenêtre, la toiture se voyait de l’intérieur car il n’y avait pas de plafond.
Mon père cultivait ce terrain et vendait les légumes dans les rues d’Arzew, avec son vieux vélo et la corbeille qui était fixée à l’arrière.
Mon père boitait fortement, alors imaginez ce qu’il devait endurer.
Tout le terrain il le travaillait à la pioche et jamais je ne l’ai entendu se plaindre.
Puis vers 1959/1960, on a déménagé de l’autre côté de la rue, chez Louis GONZALES où il a continué la même activité.
Beaucoup de mamans Arzewiennes étaient ses clientes pour les légumes certains matins et les fleurs l’après-midi.
Sur ce qu’il gagnait il fallait reverser une part au propriétaire du terrain.
Avec le reste, après le pain, l’huile et le reste, il ne fallait pas s’écarter et il en a était ainsi jusqu’au grand départ de la population arzewienne.
Voila en gros une partie de la vie des CONTRERAS en Algérie d’abord puis en France.
En toute franchise, c’est pour cela qu’il faut toujours rester humbles dans la vie et ne jamais oublier avant… là bas ….
Quand je pense qu’à chaque fois que j’ai laissé trainer intentionnellement un Echo de l’Oranie, jamais aucun de mes trois enfants n’en a pris un pour le feuilleter.
Hélas pour nous, les Pieds Noirs d’aujourd’hui qui sommes encore imprégnés de notre mode de vie de là-bas.
Même si pour nous cela s’est relativement mieux passé que pour nos parents, car avouons-le nous avons refait une autre vie en épousant soit une Pied- Noir, soit une Française dans mon cas, nous n’avons pas oublié.
Mais la grande partie de notre vie se passe ici côté famille, enfants, petits enfants, pour nos anciens cela a été beaucoup plus douloureux hélas.
Par contre, après nous, je crois malheureusement que cela restera un souvenir, jusqu’à ce que plus rien…
Les anciens disparaissent hélas petit à petit mais régulièrement, ainsi on enterrera la mémoire des Pieds- Noirs. Je ne crois pas du tout à la relève de nos enfants. Je reconnais avec tristesse que pour eux ce soit le dernier de leurs soucis.
N’oublions pas que nous vivons sur la terre de la trahison, du mensonge, à cause d’une classe politique aussi veule que dévouée à la cause arabe. Tout le monde semble oublier qu’avec la perte de l’Algérie c’est le déclin de la France qui s’est insidieusement mis en route. Moi je le vois, ce n’est pas rapide, mais les dégâts, à mesure sont irréversibles, hélas, pas pour les bradeurs mais pour nos enfants et petits enfants qui seront de plus en plus pris dans ce tourbillon très long, tellement long que beaucoup ne se rendent pas compte. La France paiera et commence à payer ses erreurs, malheureusement pour les générations restantes. A part ceux qui avaient de l’argent et qui ont pu partir au loin ; Canada, Amérique, Australie ou dans les îles. Notre seule ressource à nous c’était la France, berceau de la trahison.
Avec l’Algérie, la France avait tout. Ils n’ont pas réalisés, les politiques qui ont suivis aveuglément la grande Zohra qu’ils venaient de se tirer dans les pieds. Voyez cette France exsangue sans un son, dirigée par des frimeurs avec une dette inouïe, in remboursable. En plus tous ceux qui ont craché sur la France, incapables e de se diriger, grouillent dans nos rues et vident nos caisses d’allocations et sécurité sociale etc. . . Tout est pillé ; nous sommes impuissants devant ce déclin. C’est impossible de revenir en arrière avec les politiques qui nous ont dirigés et qui nous dirigent aujourd’hui. Pendant ce temps, à Trifouilli les trois Mosquées, un certain personnage est mort chez lui tranquillement, avec des éloges dignes d’un héros.
Quelle misère mes amis, et Dieu dans tout ça ? parce que Monsieur allait à la messe le dimanche. C’était un grand amateur de Te Déum. C’est curieux comme les prélats ont toujours été du côté du plus fort.
Croyez-moi, je ne suis pas optimiste sur le devenir de la France. Je me suis toujours dis : si ça va mal, j’irai en Espagne, mais hélas! Maintenant il y a plus d’arabes là-bas qu’ici. Aznar puis Zapatero sont aussi inconscients que les loups qui nous gouvernent et Dieu sait qu’ils ont les dents longues, à nos dépens.
Pierrot CONTRERAS.......
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