L’Algérie est indépendante depuis deux jours.
De nombreux Pieds noirs et Harkis rassurés sur leur sort par l'armée française, sont restés dans le pays avec l'espoir de continuer à y vivre en paix et liberté. Les 3 et 4 juillet, les Algériens ont manifesté leur joie en circulant dans les rues en voitures, arborant banderoles et drapeaux algériens ; ces démonstrations gardaient un caractère "bon enfant" et rassuraient plutôt qu'elles n'inquiétaient car les Européens les trouvaient normales . Aucun signe d’hostilité n'était perçu.
Qui alors aurait pu deviner le drame qui se tramait et surtout ses causes puisque l'armée française, forte de 18 OOO hommes était encore présente à Oran.
Le 5 juillet 1962 avait été retenu par le FLN comme date de fête nationale du pays nouvellement indépendant mais la communauté européenne et harkis n'avait aucun motif de s'en inquiéter car le comportement des Algériens à leur égard n'était ni belliqueux ni menaçant. Donc cette journée du 5 Juillet débuta comme un jour ordinaire et chacun vaquait à ses occupations car ordre avait été donné par radio d'ouvrir les magasins, les bureaux et de reprendre le travail.
Dans la matinée, une foule d'Algériens déferla vers les quartiers européens pour un "défilé pacifique". Vers 11heure un coup de feu retentit sur la place d'Arme, comme un signal car aussitôt cette foule se mit à crier " C'est l'OAS !c'est l'OAS". Or tout le monde savait que les commandos OAS avaient quitté la ville fin juin. Débuta alors cet horrible carnage, cette chasse à l'Européen, systématique, aveugle, sans distinction de sexe, d'âge, de conditions, tous Français rencontrés dans les rues ou dans leur domicile, étaient égorgés, dépecés, émasculés enlevés. Les corps étaient transportés vers le Petit Lac ou la ville nouvelle. Ce crime contre l'humanité provoqua l'exode massif aussi bien des Pieds noirs que des Harkis, et mit un terme à l'espoir que beaucoup de nous avions de continuer de vivre sur cette terre d'Algérie qui était devenue notre Patrie.
De nombreux historiens se sont penchés sur les causes de ce soudain accès de folie meurtrière qui s'est emparé de la foule algérienne; selon eux ce massacre serait la conséquence de la lutte intestine entre deux organes du F.L.N.qui convoitaient chacune le pouvoir :le G.P.R.A. d'une part et l'A.L.N. d'autre part.
La date du 5 juillet avait été choisie par le G.P.R.A.(présidé par Benkhedda) et pour le contrer l'A.L.N.(dirigée par Boumedienne et Ben-Bella)a décidé de saboter la manifestation en faisant tirer sur la foule et en répandant le bruit que c'était l'O.A.S.qui était en cause; d'où la fureur des manifestants et la chasse à l'Européen qui s'en est suivie. Nous avons donc été les victimes expiatoires du F.L.N. et des ambitions démesurées de ses dirigeants qui n'ont pas hésité à se rendre coupables de crimes contre l'humanité sur d' innocentes victimes. Nous avons subi cet enfer et celui de l'exode qui s'en est suivi. Nous en subissons encore les effets près de 50 ans après payant ainsi ces forfaits en lieu et place des véritables coupables qui nous désignent comme les auteurs afin de se soustraire de leurs responsabilités devant le tribunal de l'Histoire.
Le 5 juillet prochain afin d'accomplir notre devoir de mémoire nous nous devons de commémorer cette triste date en mémoire de nos compatriotes qui n'ont pas eu l'heur de survivre à ce crime contre l'humanité.
Guy Pierson |