A mes amis….et plus spécialement à Gérald….
Pourquoi existe-t-il des moments de vie qui vous marquent tant par le bonheur qu’ils vous apportent, que tant par le chagrin qu’ils vous évoquent.
Cette année 1970, fut pour moi un mélange de sentiments allant d’une immense extase à la plus profonde souffrance.
Pourtant cette année 1970, fut pour ma vie de jeune fille, l’année la plus merveilleuse que j’ai pu vivre.
Comme je vous l’ai déjà raconté, cette année était un retour aux sources dans mon pays natal l’Algérie. Ma sœur et moi allions passer deux mois de vacances inoubliables….
Reçues, bien évidemment par notre famille, mon oncle Ramonet et ma tante Edmée. C’est dans ce contexte, que je fis la connaissance, de mes amis d’un
« Eté 1970, à la Fontaine des Gazelles ».
Lorsque nous arrivâmes à Arzew, nous avions logé tout d’abord chez mon oncle Ramonet qui habitait dans la maison de Mr et Mme Gonsalvez Jaime, rue denfert.
Mais très vite ils nous présentèrent la famille Boronad (François et Isabelle) son épouse, une espagnole à la personnalité époustouflante, ils travaillaient dans le négoce de vin.
Ils avaient deux filles, Marie Claire et Brigitte qui étaient toutes les deux de notre âge. Rapidement des liens d’amitié très forts se nouèrent entre nous et nous devinrent inséparables.
Nos visites journalières à leur domicile et nos sorties, nos baignades à la Fontaine des Gazelles restent mémorables.
A la même époque, la famille Juan (Antoine et Raymonde) se trouvait à Arzew, gens extraordinaires, eux aussi, qui disposaient d’un cabanon sur la corniche. Sans trop comprendre, nous prîmes possession des lieux, et nous y restâmes durant le reste des vacances, sous la haute surveillance, bien entendu de Mr et Mme Juan, qui restèrent avec nous…..
Presque tous les soirs les familles Juan, Boronad, Vicente se réunissaient pour de bon gueuleton.
Et là, je puis vous l’assurer nous avons vécu, dans une totale liberté. L’insouciance, l’enchantement, l’euphorie. C’est à ce moment que notre quatuor s’agrandit et devint un petit groupe.
Pas très loin, de notre cabanon, vivaient des familles de coopérants, de nationalité différente, qui avaient débarqué en Algérie après l’indépendance pour porter main forte aux Algériens de l’après 1962. Bref, les enfants de ces familles, devinrent à leur tour des amis, car nous avons vécu quasiment chaque jour les uns après les autres, ensemble.
Leurs noms résonnent encore dans ma mémoire.
Gérald et son frère Marc, Bruno et son frère Thierry, Meewis et sa sœur Lise, Jean-Luc, Jean-Michel……
La Fontaine des Gazelles a été notre petit paradis, un monde merveilleux, un décor magique, avec des sentiments idylliques.
Lorsque nous n’étions pas ensemble nous nous cherchions. Personne ne devait manquer à l’appel. Notre quotidien n’était que plaisir, et nous avions de quoi faire à la Fontaine des Gazelles. Les Rochers de la côte Arzewienne et le cap Carbon n’avaient pas de secret pour nous et encore moins pour les garçons. Pêcheurs émérites, chevronnés, les fonds marins ne leur faisaient pas peur. Ils revenaient souvent avec des pêches miraculeuses.
Chaque jour était une aventure nouvelle pour nous. Baignade à durée illimitée. Sortie en bateau pour explorer les îles prés des côtes. Puis lézarder sur les rochers afin de bronzer, tartinés d’huile d’olive aromatisée au citron. Plongée avec palmes et tubas, afin d’admirer les profondeurs marines. Ou bien pêche aux oursins.
Gravir les falaises au péril de notre vie, et je vous dis la vérité. La plus grande peur pendant cette période, fut l’escalade des parois rocheuses de la Fontaine des gazelles.
J’étais tétanisée par le vertige…. Mais je me souviens toujours de la main tendue de Marc.
Et nos sorties pédestres, nous avions parcouru des kms de montagne, dans les sentiers arides et sauvages, sans avoir pris garde de la chaleur, nous rentrions exténués.
Ha !!! Les belles vacances que nous avions passées !!!!!!! Pourtant nous avions vécu dans des conditions particulières. Nous couchions les quatre filles dans la même pièce, restriction de l’eau car nous avions que les citernes, lavages des vêtements à la main, vaisselles tous les jours dans des cuvettes, mais je vous l’assure pour nous c’était le paradis… Se lever le matin, admirer la monté du soleil et jouir de l’image du phare d’Arzew entouré de cette immensité azur, humer l’air marin et savourer ce petit goût salé qui flottait, pour nous n’avait pas de prix, c’était un enchantement.
Et le soir venu, comment oublier nos soirées nocturnes à la lumière de la lune, et la fraicheur moite qui nous enveloppait. Que de rires, de farces et d’anecdotes racontées !!!! La bonne humeur, la joie de vivre étaient notre programme. Et la musique commençait avec un tourne disque de fortune. Combien de slows improvisés… Souvenez-vous les amis « When man loves a woman » par Percy Sledge. Le groupe Santana avec « Samba Pa ti. ». Joe Dassin « l’Amérique ». Nous n’avions point d’heure, la séparation toujours longue et difficile et pourtant nous repartions, chacun chez soi, heureux de notre journée bien remplie et avec des projets plein la tête pour le lendemain.
Oui, nous étions un groupe d’amis où chacun avait su trouver des affinités avec certain, mais où l’entente avec tous était notre contentement.
Tout paraissait très beau, trop beau !!! Nous pensions tous que cela ne pouvait s’interrompre.
Et pourtant, un autre drame pointait à l’horizon et bouleversa ma vie à nouveau.
Dans ce groupe d’amis, il y avait Bruno. C’était un garçon de 16 ans, gentil, serviable, respectueux, et avec qui j’avais plaisir à discuter. Il était attentif aux autres. Une certaine connivence amicale s’installa entre nous. Et aujourd’hui, 40 ans plus tard, je voudrais lui rendre hommage et lui dire que je ne l’ai pas oublié.
Ce jour là, les garçons étaient tous partis pour une partie de pêche. Comme ils avaient l’habitude. C’était la fin du mois d’août 1970, mais malheureusement, à leur retour quelqu’un manquait à l’appel.
Bruno, n’était pas présent. Les eaux profondes et ténébreuses de la fontaine des Gazelles le piégèrent. Les heures furent longues et angoissantes avant de le retrouver, mais hélas c’était trop tard, la vie encore une fois en a décidé autrement, notre ami Bruno, ne nous a jamais dit adieu. Fatalité, sa maison portait comme nom la cigale, et c’est pour une cigale qu’il n’a pu vaincre qu’il y est resté.
Comment expliquer ces drames dans mon existence. J’avais 13 ans et en l’espace de 1 mois, j’ai du faire face à deux décès.
Et bien sachez que le décès de mon père chéri et cette tragédie ont eu des effets et une prise de conscience immédiate.
J’ai vite compris que le bonheur et les êtres sont éphémères et que tout peut se briser du jour au lendemain.
J’ai mûri et grandi très vite, avec beaucoup de questionnement et au fond de moi une grande tristesse et beaucoup de nostalgie et la peur au ventre de perdre des êtres chers.
A ce moment précis notre petit groupe fut extrêmement choqué, et je suis certaine, que cet épisode de notre vie a laissé des traces indélébiles au fond de nos cœurs.
Fin de l’été 1970, de tous mes amis je n’ai plus eu, aucune nouvelle, et aucun contact. Chacun a suivi son chemin…. Souvent, mon esprit s’évadait sur cette période de ma vie courte dans le temps, mais si forte par son intensité émotionnelle.
Alors imaginez ma joie et ma surprise, lorsque Gérald, un beau jour me fit signe, en écrivant sur mon blog… Lui aussi, est tombé dans la nostalgie Arzewienne !!!!!
Je leur dis à tous…. Peut-être d’autres de mes amis me liront aussi…. Gérald, Marc, Marie-Claire, Brigitte, Meewis, Lise, Jean-Luc, Jean-Michel….NON, JE N’AI RIEN OUBLIE.
Camille….24 Octobre 2008.