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ARZEWVILLE, la mer et les palmiers de mon enfance.
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Bon voyage papa

Je suis là dans cette chambre d'hôpital, peut-être seuls tous les deux pour la première fois, tu es dans un tunnel, il y fait sûrement noir, écran ou se projette toute ta vie, vie qui va peut-être te quitter lentement.

Dans ce silence qui t'enveloppe, malgré le bruit de cette pompe à oxygène qui diffuse dans ton corps meurtri une bouffée d'existence, j'essaye d'imaginer à quoi tu peux penser…90 années se sont écoulées depuis ta naissance, rien ne te fût épargné, la perte de ta maman fit de toi un très jeune orphelin, tu grandis au milieu de frères et sœurs et vaille que vaille tu fis ton trou, l'école pas aussi souvent que les autres, mais juste de quoi t'en sortir, et te défendre face à l'avenir qui t'attendait.

Ton enfance et adolescence se déroulèrent dans un pays béni des dieux, seuls ceux qui l'ont quitté peuvent le dire, une terre riche et fertile qui ne donnait que sous les efforts d'un travail épuisant, un soleil de plomb illuminait ta vie, la mer immense, les étendues de plages, dunes de sable, rochers des côtes, poissons qui régalèrent tes repas…comment ne pas comprendre cet attachement à cette « Algérie », terre de nos aïeux, existence d'un petit peuple heureux qui aurait tout comme toi aimer mourir sur cette France.

La guerre te prit presque 5 années de ta vie, tu connus les horreurs, les camps, la privation, les évasions pas toujours réussies te ramenaient dans ces camps de misère, quand elle se termina l'avenir était à construire, tu étais prêt…tu épousas maman, pour vous deux un plan se présenta « un commerce à bâtir », et à faire progresser, petitement au début mais avec la tête pleine de projets…deux enfants naquirent qui vinrent embellir votre quotidien, pépé et mémé complétèrent la famille, ce qui stimula ton envie de réussir. Mais les embûches étaient là, enfant fragile, manque d'argent, mais avec toujours au fond de toi cette force, force des pionniers que vous avez été vous tous les anciens pour amener cette Algérie au niveau ou vous l'avez laissée.

Ta vie je la déroule un peu comme si je tirais sur une corde, lisse quelque fois, avec souvent des nœuds, mais toujours servant à grimper. Alors je tire encore dessus pour avancer et ce bout de corde entre mes mains me parle de ces instants, ou doutes et espoirs mêlés vous prîmes un commerce plus grand, un peu comme on change de chaussures car le pied a grandi, mais va-t-on trouver soulier à son pied ? oui, vous avez, avec beaucoup de travail et de persévérance développé ce commerce, devenant la référence de ce village et aujourd'hui encore 50 ans après notre exode le fruit de votre travail est ma carte de visite.

Les années bonheur passèrent rapidement, réunions de famille, mariages, naissance tout était prétexte à vivre heureux, dans ce petit village de bord de mer, berceau de tes enfants, et un jour, un jour sombre de Juin 62 il fallut partir, laisser là votre passé, votre patrimoine, le cœur déchiré, sans regarder derrière soi de peur de ne pas avoir la force de partir.

Arrivé en Métropole, la nostalgie vous enveloppant déjà de son lourd manteau, une bataille commença, celle de vivre, travailler à un âge ou sa vie professionnelle est déjà installée, et malgré toutes les colères, les difficultés, les incompréhensions vous avez encore une fois triomphé pour arriver après un dur labeur à une retraite méritée.

Mais la maladie était là, tel un rapace survolant sa proie, elle s'abattit sur toi papa, et lentement, lentement te laissant reprendre souffle de temps en temps, elle t'envahit et te conduisit au bord de ce tunnel où tu te trouves aujourd'hui.

Si les images sur cet écran sont troubles ce sont nos larmes qui les brouillent, si un son te parvient de loin c'est notre voix pour te dire que nous sommes là prés de toi, et nous murmurons pour ne pas te déranger.

Que trouveras-tu au bout de ce tunnel, je ne sais pas, mais je suis certaine qu'à l'autre bout c'est nous qui y serons, pour que la fin du film sur cet écran ne soit pas triste, nous penserons aux bons moments et qu'à ceux là, ils restent inoubliables, ils reviendront comme le ressac de la mer sur la plage, ils auront un goût de sel comme l'eau de la crique ou nous nous baignions jadis, elle n'existe plus et pourtant dans notre mémoire elle est vivante….

Bon voyage papa

Geneviéve.

 

 


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